L’Insertion, terreau de l’économie de demain

CHANTIER école était à la fête de l'Humanité du 13 au 15 septembre 2024. Au sein du Village de l'Insertion, installé au cœur du Village des Territoires Solidaires, le réseau a fait découvrir l'IAE aux festivaliers présents, aux côtés de 4 autres grands acteurs de l'insertion, et de Florentin Letissier, élu de Paris et vice-président du RTES.

Ce fut aussi l'occasion de débattre au cours d'une table ronde dédiée à une question cruciale : celle de l'économie que nous voulons pour demain, dont l'insertion pourrait être le terreau.

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Le réseau CHANTIER école, aux côtes du Réseau Cocagne, du Mouvement des Régies, de l’Union Nationale des Associations Intermédiaires, du Coorace, de la Fédération des Entreprises d’Insertion, et des partenaires du Réseau des Entrepreneurs Citoyens, France Active, et de la fédération Envie ont fait découvrir les diverses formes de l'insertion.

Deux structures adhérentes au réseau CHANTIER école étaient présentes les vendredi 13 et samedi 15 septembre : la Recyclerie du Gatinais et ses créations coutures et artistiques, et Carton Plein pour un atelier créatif autour du carton.

La situation sociale et économique de la France est scrutée avec attention par les citoyens et citoyennes. Lorsqu’on relève les chiffres sur les dix dernières années, certaines donnés interpellent : augmentation des inégalités de niveau de vie entre les plus et les moins aisés, hausse du taux de pauvreté, un taux de chômage qui atteint 13,3% pour les moins diplômés en 2023 (contre 5% des diplômés du supérieur) et trois quarts des membres des ménages bénéficiaires du RSA considérés comme pauvres monétairement.

Le fonctionnement du système économique comporte bien des externalités négatives, contre lesquelles on peut pourtant agir de différentes manières.

C’est l’objet des politiques et structures d’insertion par l’activité économique, qui permet “aux personnes les plus éloignées de l’emploi, en raison de difficultés sociales et professionnelles particulières (âge, état de santé, précarité) de bénéficier d’un accompagnement renforcé qui doit faciliter leur insertion sociale et professionnelle par le biais de contrats de travail spécifiques” selon sa définition par le ministère du Travail.

Ce secteur accompagne chaque année plus de 250 000 personnes éloignées de l’emploi, avec 50 000 salariés permanents qui accompagnent les parcours. Les structures sont des acteurs essentiels de l’accompagnement des allocataires du RSA, qui représentent aujourd’hui 35% des salarié.e.s en parcours d’insertion en moyenne.

Lors de la fête de l’Humanité du 13 au 15 septembre 2024, les réseaux représentatifs de l’IAE et leurs partenaires se sont exprimés sur ce que le secteur a à apporter pour une économie de demain inclusive et durable.

L’IAE, un modèle sur la création de richesses de manière inclusive

Les Structures de l’Insertion par l’Activités Economiques (SIAE) produisent de la richesse sur les territoires dans lesquels elles sont implantées. La Cour des Comptes souligne dans son rapport de 2019 leur caractère non délocalisable : “Les structures de l’insertion par l’activité économique sont également des acteurs du développement local, aussi bien dans les territoires ruraux (où elles sont parfois l’un des rares employeurs) que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (avec les régies de quartier, notamment)”. La coopération avec les acteurs territoriaux crée un maillage économique et un réseau local de l’emploi.

Ces emplois sont durables : trois quart des personnes en emploi six mois après leur sortie d’IAE sont salariées hors intérim. Ce sont des sources de cotisations qui bénéficient à tous.

La création de richesse s’opère par la montée en compétences : au cours de leur parcours en IAE, les salariés peuvent bénéficier d’un accompagnement et de formations adaptés à leur situation sociale et professionnelle. Parmi les sortants de l’IAE en 2020, 54% déclarent avoir été accompagnés et 40% avoir reçu au moins une formation pendant leur parcours.

Elle est également une amélioration globale des conditions d’existence : grâce à l’accompagnement des SIAE, 82 % des personnes résolvent leurs problèmes de logement, 70 % traitent leurs problèmes de santé et 90 % surmontent leurs difficultés d’accès aux droits. Grâce à la levée de ces freins, la probabilité de sortir des dispositifs d’aide avec un emploi augmente de 25 % (chiffres de l’IGAS).

Ce que produisent les acteurs de l’IAE, c’est surtout de recréer de la citoyenneté : c’est ce que souligne Florentin Letissier, élu de la mairie de Paris et vice-président du RTES : l’IAE est une dépense qui permet à des gens de trouver leur place : “Ces acteurs du plein emploi permettent l'ascension professionnelle ; si on ne les soutient pas, les personnes qu'ils ne pourront pas accompagner seront encore plus en difficultés demain et il faudra bien les prendre en compte”. L’IAE repense le rôle du travail comme facteur d’identité personnelle et de sociabilisation.

Dernier atout de l’IAE pour l’économie de demain : sa capacité à répondre à des besoins que l'économie classique ne parvient pas à prendre en compte.

L’IAE, un secteur pionnier sur la transition écologique

 

Lors de la crise du Covid, les structures de l’IAE ont montré leur capacité à répondre aux impératifs d’une économie de besoins immédiats : celui de production de masques, de la mobilité verte ou encore celui d’une filière locale de l’alimentation. Cette manière de penser l’économie en termes de besoins est celle adaptée à l’état de crise écologique actuel. Upcycling, alimentation durable, filière vélo, ré-emploi, rénovation des bâtiments, mobilité douce, protection et gestion des milieux naturels, maraîchage et alimentation... L’IAE est un secteur très engagé dans l’économie circulaire et les secteurs de transition. Les structures permettent une transition écologique réelle car également sociale : une transition qui embarque avec elle des catégories de personnes moins favorisées. L’association Halage, en Seine St Denis, en est un bon exemple : le savoir faire développé pour régénerer de la terre utilisée sur les bâtiments végétalisées est le fruit du travail des personnes accompagnées. Ces dernières deviennent des profils très demandés, dont l’innovation est valorisée.

Les filières développées montent progressivement en gamme depuis les débuts de l’insertion, en se faisant récupérer par les acteurs de l’économie classique... qui cassent les prix et les salaires pour atteindre une forte rentabilité. Des marques font du réemploi (travail d’allongement de la durée de vie des produits) un levier pour accroître leurs ventes et leur notoriété en utilisant le vocabulaire et les lignes de force du réemploi non lucratif.

L’IAE représente pourtant une solution qui doit être vue comme un investissement. Les exemples du secteur du bâtiment sont assez parlants à cet égard : l’IAE a des filières qui récupèrent les restes valables avant destruction de bâtiment, comme des fenêtres, afin de les récupérer au lieu d’enfouir ces sources de matériaux parfois neufs.

Appuyer la création d’intérêt général

L’insertion, ce n’est pas de la charité, mais la construction de réponses sociétales à des besoins qui se manifestent et qui sont non ou mal couverts sur le territoire. C’est en cela que se justifie le soutien financier de l’Etat à ces structures.

Ce n’est pourtant pas la trajectoire qui se dessine partout actuellement. L’accès aux financements publics se complexifient Certains départements se désengagent, mettant en péril la survie de structures dont le modèle économique est basé sur un soutien public, inscrit dans la loi. .

Les collectivités pourraient en faire plus : c’est l’objet d’une tribune du réseau RTES en faveur de l’insertion, en vertu de ces atouts évoquées plus haut.

Les acteurs de l’insertion ont eux-mêmes des propositions concrètes pour pérenniser le secteur :

  • Clarifier et sécuriser la politique de financement, afin de permettre d’adapter les moyens aux besoins des territoires et aux enjeux économiques de chaque SIAE, au niveau national comme territorial, avec une loi de programmation pour fixer une stratégie d’action à long terme.

 

  • Articuler l’IAE dans la politique du plein emploi, notamment une articulation avec France Travail

 

  • Repenser l’évaluation des dispositifs pour faire apparaitre l'énorme travail qualitatif

 

  • Construire des stratégies territoriales en fonction des familles de l’IAE, et encourager la coopération économique territoriale,

 

  • Avoir une volonté politique sur les marchés publics avec l’insertion de clauses sociales dans la commande publique et faire de la commande publique est un véritable levier

 

  • Reconstruire une vision politique et considérer les SIAE comme des objets interministériels, décloisonner les politiques

 

  • Financer l’innovation sociale, en revendiquant une forme de crédit d’impôt pour l’innovation sociale comme c’est fait pour les crédits d’impôt pour l’innovation technologique

 

Porteuse d'une vision et de valeurs qui soutiennent la transition, l'insertion et ses acteurs sont prêts à relever les défis à venir.